Le débat sur les OGM n’est plus d’actualité dans les médias nationaux depuis les évenements du 11 septembre et la guerre en Irak. Il s’agit pourtant bien d’une guerre économique que livrent les multinationales dans les antichambres du pouvoir face à la guérilla des opposants à cette technologie. L’administration américaine presse l’Union Européenne pour qu’elle lève le moratoire au plus vite. La commission, pro-OGM, suit dans ce sens en proposant des seuils de contamination en dessous desquels l’aliment est considéré sans OGM.
Aujourd’hui, l’inocuité de ces chimères génétiques n’est pas démontrée. Avant qu’un risque soit acceptable, il faut qu’il soit caractérisé. Or on a plus d’hypothèses que de certitudes tant les études d’évaluation sont rares. Certains concluent donc qu’il n’y a pas de risques. Quand les risques sont clairement avérés (ex : le colza roundup®), ils sont analysés par certains commes des inconvénients supportables et par d’autres comme des dangers à ne pas courir (Seralini, 1998). L’affaire du Régent a démontré que le processus d’homologation n’est pas acceptable puisque les résultats des études et les méthodes de détection sont souvent proposés par le fabricant.
Plusieurs points capitaux sur la trangénèse restent à étudier. Ainsi, on a peu d’information sur le coût de la résistance (au niveau de la fécondité, de l’adaptation) de l’insecte à la protéine Bt secrétée par le maïs Bt ni sur l’incidence sur la physiologie de la plante (induction de protéines de stress ou autres mécanismes de défense, diminution de la production d’éléments essentiels, perte de son intégrité…). Les chercheurs sont incapables d’y répondre. L’obscurité est du côté de la science, pas du côté des opposants qui posent des questions pertinentes.
D’autre part, la génétique des populations n’est jamais prise en compte dans les études ainsi que les conséquences sur la santé des hommes et des populations animales. Les activations et inactivations des gènes sont imprévisibles.
Aujourd’hui, plus on en sait sur les gènes, plus la notion de gène devient flou (Le Guyader, 2003). En effet, le génome semble fait de conflits entre gènes, des gènes qui changent de place (les transposons). En clair, les sélectionneurs qui introduisent des gènes étrangers dans une cellule ne savent pas où et comment le gène se place et fonctionne. Depuis la compréhension du fonctionnement de l’opéron lactose (une boucle de régulation constituée de plusieurs gènes), on sait que l’environnement de la cellule est déterminant pour l’expression des gènes. Le gène ne peut donc pas être considéré comme un élément isolé de son contexte. Voilà pourquoi, le transgène pour qu’il s’exprime est isolé du génome par des séquences non codantes (des « isolateurs » selon Frey, 2001) pour le préserver de son environnement chromatinien. La chose est claire : la transgénèse ne fonctionne bien que si le transgène n’est pas intégré fonctionnellement au génome de l’organisme. On voit là le côté artificiel et l’aspect « bricolage » de cette technique. Les OGM semblent plus être un bluff technologique (Larrère, 2001) qu’une technologie précise et maîtrisée.
Les aspects scientifiques et techniques ne sont qu’une partie du problème. D’autres questions plus larges sont posées : le vivant peut-il se résumer à un jeu de mécano ? Faut-il chercher dans la technoscience la solution à tous nos maux ? La recherche doit-elle être un agent de lutte économique ou favoriser la solidarité entre les hommes ? L’homme peut-il influencer la nature aussi puissamment qu’il le croit ? Les gènes de tout enzyme ou hormone présents dans nos cellules sont-ils brevetables ?
Les risques liés aux OGM ne sont pas assurables et les lobbies agrobiotechnologiques ont pu obtenir la confirmation de leur déresponsabilisation. Les conclusions du comité des sages sur les essais en plein champs n’ont pas été respectées. Il ne faut donc pas s’étonner qu’il y a une opposition : «tout totalitarisme secrète une réaction de résistance » (Marsal, 2003).
Il est intéressant de voir l’évolution de la vision qu’à la science du vivant. Avant le 19ème siècle, le corps humain était une machine complexe avec des muscles (véritables « vérins »), des os et le sang qui était l’huile alimentant tout l’engin (le cœur étant la « pompe »). Nous étions dans le « tout mécanique ». Puis avec la découverte de l’électricité et de la conduction nerveuse, les nerfs étaient les fils pilotant la machine avec le cerveau comme tableau électrique central. Suit le développement de la chimie ; on découvre les vitamines, les hormones, les protéines. Les cellules sont les usines de synthèses du corps. Tout est alors « biochimique » : on peut expliquer chaque réaction par une molécule. Enfin, vient l’essor des sciences de l’information (dont l’informatique) et de la génétique, ce qui fait dire aux chercheurs que le corps humain est un lieu d’échanges d’informations génétique, biochimique, nerveuse. Les gènes sont le support physique de l’information héréditaire au même titre que le disque dur est le support physique de la mémoire pour un ordinateur. Le paysan remarquera aisément que tous ces concepts (décrits ici très rapidement) passent à côté du vivant. La science reste une création humaine et elle est souvent victime de son époque : sa vision est conditionnée par son environnement politique, social et technique. On le sait mais il faut le rappeller. Le chercheur quel que soit ses vertus n’en reste pas moins un être humain.
Reconnaître ses erreurs est un premier pas vers la vérité que les chercheurs doivent accomplir. Par exemple, les progrès revendiqués par la «science médicale» sont plutôt dus à l'amélioration de l'hygiène et des conditions de vie : dans les milieux défavorisés ou carencés, les maladies soi-disant «éradiquées» reviennent en force. Jacqueline Bousquet, chercheuse au CNRS écrit : « La spécialisation - arme absolue de nos instituts nationaux- conditionne nos savants à une totale incapacité à effectuer la synthèse des différentes disciplines (physique quantique, biologie, médecines traditionnelles dont Chinoise et Ayurvédique, mathématiques, les sciences de l'homme, etc.), qui nous permettraient de sortir de l'impasse dans laquelle nous nous trouvons. Les conséquences de cette approche matérialiste sont effrayantes pour la survie de la planète et de ses habitants. » A l’appui, on peut citer les études statistiques de santé publique en France entre 1970 et 1990. Elles montrent que l'ensemble de la morbidité a quasi doublé, avec des progressions spectaculaires des maladies endocriniennes (+960 %), des maladies mentales (+210 %) et des tumeurs (+350 %), (extraits des enquêtes annuelles CREDES/CNAM).
Les chercheurs ne sont pas à condamner car ils subissent des pressions énormes. Ainsi, le docteur Pustzai a été limogé en Grande Bretagne après avoir révélé que les rats nourris avec des pommes de terre OGM présentaient un système immunitaire endommagé. On voit là l’intérêt d’une recherche publique forte et indépendante.
Bibliographie :
-Frey S., 2001. Les isolateurs du génome. Biofutur, 213, 18
-Jacqueline BOUSQUET, 1992. Science dans la lumière et Au cœur du vivant. Editions St –Michel.
-Larrère C., 2001. Les OGM entre hostilité de principe et principe de précaution. Le Courrier de l’environnement de l’INRA, 43, 15-23.
-Le Guyader, 2003. Qu’est ce qu’un gène ? Une petite histoire de concept. UMR 7622, Biologie du développement. Université Pierre et Marie Curie.
-Marsal Pierre, 2003. Synthèse et réflexions personnelles. INRA de Paris.
-Pr Gilles-Eric Seralini, nov 1998. Risques toxiques et environnementaux liés aux plantes transgéniques produisant ou tolérant des pesticides. in « Transgénèse » Editions FrisonRoche.